Dispersions colloïdales de nanoparticules d’oxyde de fer dans les liquides ioniques : structure et stabilité de 20 à 200°C

Les liquides ioniques, constitués uniquement d’ions positifs et négatifs sont intéressants pour de nombreux domaines en raison de leurs propriétés différentes des liquides classiques et de l’immense variété de structures possibles, permettant d’ajuster leurs propriétés. L‘un de leurs avantages est la possibilité de travailler à haute température, alliée à une faible volatilité, pour des applications comme fluides caloporteurs, lubrifiants ou composants des supercapacités. L’association avec des particules colloïdales crée par ailleurs de nouveaux matériaux combinant les propriétés du solide et du liquide. Cependant la stabilité colloïdale des nanoparticules (NPs) dans ces liquides, récemment étudiée à l’ambiante, a été quasi ignorée aux plus hautes températures jusqu’à présent, et est difficile à prévoir étant donnée la variété de forces en présence impliquées dans ces systèmes.

Sur la base d’études précédentes à 20°C, qui avaient montré le rôle crucial de la composition de l’interface solide/liquide, un système est étudié de façon détaillée par un couplage de techniques multiéchelles, dans l’hypothèse que l’adaptation de l’interface doit permettre d’obtenir la stabilité à haute température. Des NPs d’oxyde de fer sont dispersées dans EMIM TFSI (ethylmethylimidazolium bistriflimide, Fig. c), l’un des liquides ioniques le mieux connu, et étudiées par diffusion dynamique de la lumière (DLS), diffusion de rayons X et de neutrons aux petits angles (DXPA, DNPA) et analyse thermogravimétrique (ATG) jusqu’à 200°C et pour différentes concentrations en NPs.

La charge de surface des NPs et la quantité des petites molécules d’interface sont variées de façon à construire une carte de stabilité à 25°C en fonction des différents paramètres physico-chimique étudiés, grâce à la DLS et à la DXPA (Fig. a). Il apparait une zone favorable de dispersion dans laquelle la quantité de charges de surface et de molécules SBMIM± (zwitterion de type sulfonate imidazolium, Fig. c) parvient à organiser le liquide ionique de façon à créer une répulsion assez forte entre les NPs qui permet de stabiliser leur dispersion (Fig. b). Cette zone est alors explorée en température par couplage de la DNPA avec un four et de la DLS in situ (Fig. d). La DLS permet de valider la stabilité de la température dans l’échantillon, puis de comparer l’état initial et l’état final après un cycle de chauffage. La Diffusion de neutrons aux petits angles permet de conclure sur les interactions entre NPs jusqu’à 200°C grâce à l’obtention du facteur de structure des NPs à différentes températures (Fig. e).

Dans la zone de composition optimale de l’interface, qui correspond à la plus grande densité de charges de surface des NPs, les dispersions restent stables jusqu’à 200°C de 1 à 12 % en volume de NPs. Les interactions entre NPs, faiblement répulsives et à portée courte de l’ordre de 1 nm, restent constantes avec la température. Cette force à courte portée est donc suffisante pour contrebalancer les attractions de van der Waals ainsi que la force dipolaire magnétique sur toute la gamme de températures.

La DNPA montre également que l’addition d’une faible quantité d’ions, ici des anions triflate (TFO-), perturbe l’interface en s’y localisant, et induit une interaction légèrement attractive (Fig. e) menant à la formation de petits agrégats, qui sont cependant stables dans le temps et à haute température. Les NPs étant magnétiques, les dispersions sont des ferrofluides. Stables à long terme pendant des années à température ambiante et sur des jours à 200°C, ils ouvrent la voie à des applications sur une large gamme de températures. De plus, la méthode peut être étendue à d’autres liquides ioniques et à différentes particules afin de construire des systèmes aux propriétés variées selon les besoins.

Dispersions colloïdales de nanoparticules d’oxyde de fer dans les liquides ioniques : structure et stabilité de 20 à 200°C
Dispersions colloïdales de nanoparticules d’oxyde de fer dans les liquides ioniques : structure et stabilité de 20 à 200°C

Article original : Design of Concentrated Colloidal Dispersions of Iron Oxide Nanoparticles in Ionic Liquids : Structure and Thermal Stability from 25 to 200 °C. Riedl, J. C. ; Sarkar, M. ; Fiuza, T. ; Cousin, F. ; Depeyrot, J. ; Dubois, E. ; Mériguet, G. ; Perzynski, R. ; Peyre, V., Journal of Colloid and Interface Science 2022, 607, 584–594. https://doi.org/10.1016/j.jcis.2021.08.017.


Les expériences présentées ont été réalisées sur le spectromètre PAXY (LLB) et sur le SAXS du LLB dans le cadre d’une collaboration. Le travail a bénéficié du financement du projet Magenta, EU Horizon H2020, programme 731976, du support du CNPq (Brésil) et d’un programme CAPES COFECUB (Brésil/France).

 

Sur le même sujet :
Thermodiffusion Anisotropy under a Magnetic Field in Ionic Liquid-Based Ferrofluids.
Fiuza, T. ; Sarkar, M. ; Riedl, J. C. ; Cēbers, A. ; Cousin, F. ; Demouchy, G. ; Depeyrot, J. ; Dubois, E. ; Gélébart, F. ; Mériguet, G. ; Perzynski, R. ; Peyre, V. Soft Matter 2021, 17 (17), 4566–4577. 

Colloidal Dispersions of Oxide Nanoparticles in Ionic Liquids : Elucidating the Key Parameters.
Riedl, J. C. ; Akhavan Kazemi, M. A. ; Cousin, F. ; Dubois, E. ; Fantini, S. ; Loïs, S. ; Perzynski, R. ; Peyre, V. Nanoscale Advances 2020, 2 (4), 1560.

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